Publié le 27.05.2023

Ode aux algorithmes ? Vraiment ?

Théâtre Tais-Toi, Neuchâtel

Parler boulot un vendredi soir ? Mais quelle idée ! Sauf si c’est avec Hervé Buchs-Vallaz dans le cadre d’une conférence sur les enjeux contemporains du numérique et ses pauses café qui offrent la possibilité d’un échange privilégié avec le conférencier ! N’oublions pas, au passage, d’échanger quelques ragots sur les collègues de bureau et le tour sera joué !

  

© Maxance Dell’Orefice –  Hervé-Buchs Vallaz vient de réajuster sa cravate, la conférence peut débuter
© Maxance Dell’Orefice – Hervé-Buchs Vallaz vient de réajuster sa cravate, la conférence peut débuter

Niché au cœur de Neuchâtel, à quelques pas de la gare, le Théâtre Tais-toi, ou comme il se nomme : le théâtre clandestin au cœur de Neuchâtel, accueillait ce vendredi 26 mai le comédien Damian Veiga pour une conférence humoristique sur les enjeux du numérique. Un théâtre associatif qui se veut à la portée de tous.te.s dans un lieu 100 pourcent artisanal où tout a été fait par les petites mains de l’équipe du théâtre. Le lieu, qui a vu le jour seulement en novembre dernier, a déjà su trouver son public, et, à l’heure du spectacle, la salle est comble. Dans une ambiance conviviale et festive, Damian Veiga, ou devrais-je dire Hervé Buchs-Vallaz, entre en scène. Il salue, bafouille, ne trouve plus sa télécommande, met de l’ordre dans ses feuilles, bafouille à nouveau. Devant nous, le stéréotype de l’employé de bureau un peu geek, un peu chiant, et, d’une certaine manière, attendrissant. 

© Maxance Dell’Orefice – Et quand les intelligences artificielles nous dépassent ?
© Maxance Dell’Orefice – Et quand les intelligences artificielles nous dépassent ?

Afin d’écrire ce spectacle, Damian Veiga a bénéficié d’une bourse de soutien à l’écriture d’un spectacle d’humour de la SSA (Société Suisse des Auteurs). Pour le comédien issu du monde de l’impro, c’est une première. Lors de notre rencontre, il me confie que c’est un exercice radicalement différent. « L’impro, c’est faire semblant que tout est écrit, alors que le stand-up, c’est faire semblant que tout est spontané. » Il me dit son envie de pouvoir construire un propos plus concret et d’avoir le contrôle dessus. La pièce n’a pas encore été jouée devant public, seuls quelques passages ont été présentés lors d’Open Mics. Dans le public, le verdict est sans appel, dès les premières répliques, les rires fusent et ne feront que de s’amplifier tout au long de la pièce.

La raison de ce succès ? Il faut sûrement se pencher sur les différents humours que l’artiste déploie avec habilité. Tantôt absurde, tantôt comique de répétition, il joue également sur l’humour de malaise, et l’humour de données. Ainsi, le comédien fait défiler des slides de PowerPoint sur lesquels on retrouve des graphiques plus loufoque les un que les autres, des équations mathématiques détournées dans le but de trouver « la meilleure blague du monde », des bugs informatiques, et bien d’autres. Le personnage d’Hervé Buchs-Vallaz est par ailleurs la caricature de son propos. Une coupe ratée, des petites lunettes aux montures métalliques et, bien sûr, la fameuse chemise-cravate, rien n’est laissé au hasard pour que le visuel réponde au reste de l’univers que le comédien a aisément mis en scène. 

© Maxance Dell’Orefice – La pause café revigorante est de mise
© Maxance Dell’Orefice – La pause café revigorante est de mise

Vous allez confirmer vos apprioris sur le monde, sans rien apprendre du tout.

Hervé Buchs-Vallaz

Hervé Buchs-Vallaz pose le cadre d’entrée de jeu, sa conférence est dictée par l’analyse de nos données, elle nous montrera ce que nous voulons voir, comme tous les autres algorithmes qui régissent nos vies. Sous ses airs de conférence foireuse qui provoque le rire, une réelle réflexion est menée. Par petites touches, en lançant innocemment quelques piques à l’abri de son personnage, Damian Veiga tend cependant à faire réfléchir sur la société de surveillance dans laquelle nous évoluons et que beaucoup de gens ne semblent pas prendre en considération. À travers la thématique de l’algorithme, le comédien joue avec la ligne du politiquement correct, l’interroge, la pointe du doigt. Il dénonce également les dérives d’une société qui s’est fortement éloignée de l’utopie que représentait internet à ses débuts. Le tout, avec beaucoup d’intelligence et de subtilité. Comme quand Hervé Buchs-Vallaz explique le principe des NFT en expliquant qu’auparavant il n’y avait pas d’offre pour les gens qui avaient de l’argent mais envie/besoin de rien. Le spectacle pousse à la réflexion sans que l’on ne s’en rende compte, sans tomber dans le propos moralisateur et surtout, en étant drôle, tout simplement.



Hervé Buchs-Vallaz contre les algorithmes, par Damian Veiga :

Du 25 au 27 août aux Numerik Games à Yverdon-les-Bains