Publié le 16.07.2023

Mariages dans le Val d’Illiez

Chez Gaby 1670, Champoussin

Région Dents du Midi, entreprise de développement du tourisme dans la vallée d’Illiez et le Théâtre du Crochetan à Monthey s’associent pour jouer L’Ours d’Anton Tchekhov dans différents restaurants d’alpage. Un mariage réussi entre montagnes et culture autour d’un texte haut en couleurs, provocateur et à rebondissements. A voir dans le cadre somptueux que représente le balcon des dents du Midi du 13 juillet au 10 août ou, en plaine, du 13 au 17 décembre au Théâtre du Crochetan à Monthey.

© Leticia Frei – Grognements de l’ours dans l’ambiance ensoleillée et riante de la montagne
© Leticia Frei – Grognements de l’ours dans l’ambiance ensoleillée et riante de la montagne

Les Alpes, dans l’histoire comme dans les imaginaires, représentent des barrières infranchissables et protectrices. Les différentes Vallées valaisannes qui les sillonnent, s’enfoncent en chemins méandreux parfois aériens qui rendent malades plus d’un visiteur et ralentissent, bien souvent, la plupart des conducteurs qui ne portent pas la marque honorifique des lettres « VS » sur leur plaque d’immatriculation. La Vallée d’Illiez ne fait pas exception. De là à penser qu’il soit impossible à tout autre événement que les sports de montagne d’atteindre ses différents villages, il n’y a qu’un pas...

Eh bien, plongés dans l’écrin de ces hauteurs qui se méritent, les villages de Champéry, Champoussin ou encore de Morgins veulent nous prouver que la culture n’a pas de frontière et qu’au contraire, la montagne sait accueillir tout autant le sport que les arts.

En effet, la région davantage connue pour son or blanc hivernal ou ses pentes verdoyantes estivales, parcours de randonnées, treks ou pour VTT, nous invite, cet été, au mariage entre la vue splendide de ses Dents, le plus beau sourire de suisse, et le théâtre russe et comique d’Anton Tchekhov.

© Leticia Frei – Le comédien Philippe Soltermann, dans le rôle de l’ours
© Leticia Frei – Le comédien Philippe Soltermann, dans le rôle de l’ours

Le projet de ces étonnantes néanmoins réjouissantes noces démarre sous l’impulsion du directeur du Théâtre du Crochetan, Lorenzo Malaguerra, que la pièce de L’Ours titille déjà depuis un certain temps. Le format court de l’œuvre - d’une durée d’une demi heure, et son texte efficace et explosif s’intègrent parfaitement au contexte requis pour une représentation sur une terrasse, en extérieur ou même, ce sera le cas pour cette première, météo oblige, à même les tables des différents restaurants où les artistes déploieront leur art.

C’est ainsi que vous avez la possibilité, vos chaussures de marche aux pieds et mollets sollicités –chemin carrossable aussi !, de rejoindre l’un des restaurants d’alpage programmés et, tout en sirotant un breuvage frais, fendant, petite arvine, nectar d’abricot ou spritz à la crème d’abricot (si si, véridique chez Gaby 1670 à Champoussin !), pour honorer les classiques, de profiter d’un moment de détente et de légèreté tout en guignant de temps à autre si, la mariée, la si belle Haute Cime, daigne retirer son voile.

L’histoire qui se déroulera sous vos yeux, est tout à fait accessible aux plus jeunes puisqu’elle raconte comment un Monsieur bougon, Grigori Stépanovitch Smirnov, surnommé l’ours, vient réclamer avec insistance, à une récente veuve, Éléna Ivanovna Popova une dette qui lui est due. La mise en scène choisie déploie mouvements, jeux de voix (dont du chant) et mimiques ainsi qu’une corporalité bien employée qui sait captiver le public – la salle, dont des enfants, rit à plusieurs reprises et la pièce sera bien comprise par ma fille de dix ans qui en relève surtout le côté « foufou ».

© Leticia Frei – La complicité des comédiens perceptible sous une neige de fleurs
© Leticia Frei – La complicité des comédiens perceptible sous une neige de fleurs

Les deux protagonistes principaux campés par Chloé Zufferey et Philippe Soltermann sont accompagnés par un serviteur du nom de Louka que Blaise Carron incarne avec drôlerie. Les trois partenaires de jeu, dans une ambiance joyeuse et complice, donnent de leur énergie et de leur ingéniosité au moment de jouer avec le public et le mobilier en place.

Et pour les plus philosophes d’entre nous, la pièce interroge les attributions de genres et nous questionne sur ce que l’on aime chez l’autre : l’ours qui se montre fort et qui grogne n’est-il pas celui qui nous insupporte autant qu’il est vulnérable et attachant ? N’incarne-t-il pas une façon couillue ou gonadée que l’on apprécie et recherche en l’autre et aussi chez la femme ?

Dans un champ lexical qui a trait aux animaux, ce qui renforce l’aspect comique des dialogues, Grigori et Eléna se détestent autant qu’ils se cherchent. Les a priori sur les statuts d’ « homme » et de « femme » sont dépeints dans des caricatures extrêmes qui finissent par devenir ridicules et amusantes. Le dénouement final de la pièce, qu’on ne divulgachera pas ici mais qui se trouve cachée dans cet article, termine par occire ces vieux clichés qui, chose réjouissante, déjà au XIXe siècle semblaient remis en question tant en France par une George Sand dans sa pièce Gabriel qu’en Russie, un peu plus tard, par Anton Tchekhov avec l’Ours.

Cet article tient lieu d’invitation à la cérémonie (spectacle gratuit, consommations payantes) qui aura lieu le 21 juillet à la Cantine sur Coux à Champéry, le 27 juillet au Chalet Chanson à Morgins, le 3 août au Restaurant Bochasses à Morgins et le 10 août au Refuge du Corbeau à Morgins, 18h30. N’oubliez pas de confirmer votre venue !



L'Ours, par le Crochetan Mobile :

Le 13 juillet Chez Gaby 1670 à Champoussin

Le 21 juillet à la Cantine sur Coux à Champéry

Le 27 juillet au Chalet Chanson à Morgins

Le 3 août au Restaurant des Bochasses à Morgins

Le 10 août au Refuge du Corbeau à Morgins

Du 13 au 17 décembre au Théâtre du Crochetan à Monthey



La critique de Charlyne, 10 ans :

"Une belle femme de campagne reçoit un homme impoli dans son chalet. Cet homme est quelqu’un de la ville ; il vient demander de l’argent. Mais la demoiselle dit qu’elle n’a rien. Hélàs, il ne bougera pas du chalet sans avoir ce qu’il veut ! Une tristesse résonne dans le cœur de la femme : elle a perdu son mari. Et l’homme connaît son mari. La dame veut faire un duel avec lui. Le pistolet qu’elle a vise le cœur et lui, avoue qu’il est amoureux d’elle. Les deux foufous partent saouls. Si vous voulez voir une pièce de théâtre aussi fofolle, venez ici ! Et c’est gratuit !"